Hémisphères · Podcast

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Le carrefour des explorateur·ice·s de l'imaginaire

Olbius et Karel

Hémisphères est une émission mensuelle d'exploration de l'imaginaire créée et animée par Karel et Olbius. Chaque épisode est articulé autour d'une œuvre issue d'un médium visuel (cinéma, jeu vidéo, bande dessinée, série). Dans une perspective de découverte mutuelle, nous cherchons à saisir les résonances symboliques, culturelles, historiques et philosophiques des œuvres choisies.

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LE JUGE ET L'ASSASSIN · Les Vices de la procédure

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Fin du XIXème siècle. Joseph Bouvier (Michel Galabru), ancien militaire sans le sou et sans logis, mendie à travers la France. Éconduit par la belle Louise, rejeté par l'Église, méprisé par quiconque pourrait lui proposer un travail, il tente d'assassiner son amour de jeunesse et de se suicider. Double échec : interné à l'asile de Dole, il est très vite relâché faute d'argent. Avec deux balles dans le crâne pour seules compagnes de route, Bouvier repart sur les routes d'Ardèche et se livre à de multiples viols et assassinats, avant d'être écroué.

Le juge Emile Rousseau (Philippe Noiret) récupère son dossier. Arriviste et ambitieux, il guettait jusque-là cette affaire avec le plus vif intérêt : une condamnation à mort pourrait bien lui ouvrir les portes de Paris, et propulser sa carrière de magistrat. Mais de nombreux éléments y font obstacle : mis à l'asile, gorgé de médicaments, mordu par un chien dans son enfance, Bouvier ne pourrait-il pas plaider la folie, et donc l'absence de responsabilité pénale ? L'est-il seulement, ou joue-t-il la comédie pour échapper à la guillotine ? Et s'il l'est réellement, peut-on seulement soutirer des aveux à un fou ?

"Votre seule manière d'agir me fait prendre pitié de vous."

Derrière ce pitch digne des plus grands polars se cache l'histoire bien réelle de Joseph Vacher, l'un des premiers tueurs en série reconnus comme tels dans l'Histoire de France. Défrayant la chronique par ses prises de position anarchistes et mystiques, mobilisant les médecines civiles et militaires, le cas Vacher fut certes éclipsé par l'affaire Dreyfus dans l'imaginaire collectif mais fascine encore les criminologues. Pour sa part, le cinéaste, critique et documentariste Bertrand Tavernier (Coup de torchon, La Vie et rien d'autre, La Guerre sans nom) y aura sans doute trouvé matière à revisiter une époque charnière de notre Histoire : la IIIème République.

Car pour Tavernier, tout se passe comme si l'affaire Bouvier/Vacher cristallisait les contradictions internes de notre mythologie républicaine, au moment même où elle se construit. Ayant profité de la déroute militaire de Napoléon III et réprimé dans le sang les espoirs de la Commune, la France bourgeoise de Jules Ferry et d'Adolphe Thiers se cherche alors une légitimité. Pour purger la défaite, il faut des coupables : culture "enjuivée", dégénérescence de la "race", anti-intellectualisme, répression sanguinaire des mouvements sociaux... En somme, traquer l'anti-France pour mieux préparer "la Der des der". C'est à la lumière de cette recontextualisation proposée par Tavernier que le cas Bouvier/Vacher ouvre des perspectives critiques radicales sur ce que l'on appelle aujourd'hui "ordre républicain".


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Sources et bibliographie

Nos recommandations :

  • Olbius : Dixième chambre, instant d'audience (Raymond Depardon, 2004)
  • Karel : Un Roi sans divertissement (Jean Giono, 1947) // Superman (James Gunn, 2025)

Musiques utilisées :

  • Flashygoodness - Title Theme (Bean Dreams) | Lien Bandcamp : https://urlz.fr/i6m7
  • Taylor Ambrosio Wood - Adventure for Percussion Quartet (TESSERACT: An Acoustic FEZ Album) | Label Materia Collective https://urlz.fr/i6ma
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DEATH STRANDING · Persistance dans l'échec

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Cataclysme ultime, le "Death Stranding" a aboli la frontière entre le monde des morts et celui des vivants. L'eau de pluie accélère désormais l'érosion et le vieillissement de tout ce qu'elle touche, contraignant l'humanité à se réfugier dans des bunkers souterrains. Des spectres, surnommés "Échoués", sillonnent la surface désolée, noyant le moindre vivant qu'ils croisent dans les lacs de poix dont ils émergent... le moindre contact causant une explosion dévastatrice. La Sixième Extinction de masse est en marche.

L'humanité persiste malgré tout, notamment sur le continent américain grâce à l'abnégation de livreurs qui se risquent à braver la surface pour satisfaire aux besoins des dernières communautés de survivants. Parmi eux, Sam Porter-Bridges. Fils adoptif de la Présidente d'États-Unis désormais disparus, il se voit confier par ses employeurs la mission de raccorder les différents bunkers à un nouveau réseau de télécommunication, premier pas vers l'instauration des Cités-Unies d'Amérique... Mais toutes les entreprises ont-elles vocation à être rétablies ?

"Sam Porter-Bridges... The man who delivers."

Death Stranding (littéralement "Échouement de la Mort") est hanté par l'échec. Échec de son créateur Hideo Kojima à sortir de la spirale Metal Gear chez Konami, hantise d'un MGSV inachevé alors qu'il devait parachever la boucle temporelle de la saga, trahison des espoirs placés dans le projet avorté Silent Hills. Un rêve de plénitude et d'accomplissement qui toujours se dérobe, pris au piège des jeux de pouvoir qui subvertissent les interactions entre les hommes : derrière le cyberpunk, le pacifisme anti-nucléaire et la cinéphagie de l'otaku, cette tragédie sourde constitue malgré lui le fil rouge de l'œuvre de Hideo Kojima.

Au terme d'un divorce retentissant avec la maison Konami en 2015, cette prise d'indépendance du créateur a donc tout d'une mise à nu, pour le meilleur et pour le pire. Dépouillé d'un socle référentiel étouffant, il peut enfin se réinventer dans une proposition ludique radicale, et synthétiser ses obsessions sous le prisme d'un fantastique post-apocalyptique. Death Stranding fera d'un expédient du monde ouvert (la quête Fedex) son cœur de gameplay. L'ironie tragique des situations devra accuser le matraquage de dialogues verbeux, dont le surjeu explicatif devrait pourtant nous interpeller. Enfin, les fantômes du passé rappelleront aux survivants la réalité de ce qu'ils essayent, à la sueur de leur front et en dépit du bon sens, de reconstruire.

Ce paradoxe temporel, thématique et créatif méritait bien un épisode à lui tout seul, avant de se lancer à corps perdu dans Death Stranding 2: On the Beach !


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Sources et bibliographie

Nos recommandations :

  • Olbius : La trilogie Metal Gear Solid (1998, 2001, 2004)
  • Karel : Tu ne mentiras point (Tim Mielants, 2024) ; Violet Evergarden (Kyoto Animation, 2018)

Musiques utilisées :

  • Flashygoodness - Title Theme (Bean Dreams) | Lien Bandcamp : https://urlz.fr/i6m7
  • Taylor Ambrosio Wood - Adventure for Percussion Quartet (TESSERACT: An Acoustic FEZ Album) | Label Materia Collective https://urlz.fr/i6ma
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APOCALYPTO · Une course pour l'Histoire

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Amérique centrale, époque indéterminée. Le jeune Patte-de-Jaguar mène une vie de chasseur-cueilleur au sein de son village forestier, entre chasse au sanglier et railleries au jour le jour. Mais ce quotidien paisible tourne court quand de terrifiants guerriers originaires d'une ville voisine surgissent des fourrés. Ils mettent le village à feu et à sang, violent les femmes et kidnappent les hommes. Après être parvenu à cacher sa femme enceinte et son jeune fils au fond d'un puits, Patte-de-Jaguar s'effondre sous les coups et doit suivre le troupeau des capturés. Réussira-t-il à conjurer cette marche vers la mort pour regagner sa famille ?

"Ces gens dans la forêt... Qu'as-tu vu dans leurs yeux ?"

Après la consécration de Braveheart et le triomphe polémique de La Passion du Christ, le sulfureux Mel Gibson amorce avec Apocalypto une descente aux enfers. Partant d'une intuition esthétique, "faire un film de course-poursuite à pied", le cinéaste et acteur met en image les contradictions internes d'une civilisation Maya en déshérence. En résulte un film de survie éprouvant, dont l'ultraviolence controversée semble avoir occulté le sens profond du parcours de Patte-de-Jaguar... Mel Gibson a-t-il voulu, en bon catholique intégriste, souligner la sauvagerie des autochtones qui ne demandaient qu'à être sauvés de leurs ténèbres par la théologie du Vieux Continent ? Ou bien illustre-t-il au contraire la machine de perversion tragique qui accompagne toute civilisation dite "développée" dans son rapport au vivant, aux richesses, au sacré et à la violence dite légitime ?

Disclaimer – Nous avons parfaitement conscience que Mel Gibson est un personnage public éminemment contestable. Jamais dans cet épisode il ne sera question d'occulter ses déclarations homophobes, ses saillies antisémites, son comportement destructeur pour lui-même et pour son entourage, ni même son engagement récent auprès de Donald Trump. C'est pourquoi nous lui consacrons une introduction plus détaillée que d'habitude. Non pas pour excuser ce qui a pu être dit ou fait, mais pour remettre en perspective le vécu de ce cinéaste afin d'éclairer notre lecture de l'œuvre. À l'aune de ce que nous aurons pu dire dans l'épisode, il vous appartiendra de déterminer si l'œuvre de Mel Gibson, dans toute sa richesse et sa complexité, a vocation à survivre à son auteur.


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Sources et bibliographie

“Talking Apocalypto with Mel Gibson and Co-Writer Farhad Safinia”, Evan Jacobs, MovieWeb, 4 décembre 2006 || URL : https://movieweb.com/talking-apocalypto-with-mel-gibson-and-co-writer-farhad-safinia/

Nos recommandations :

  • Olbius : Elden Ring: Nightreign (FromSoftware, 2025)
  • Karel : Primal (Genndy Tartakovsky, 2019) // Watership Down (James Sturm & Joe Sutphin d'après Richard Adams) // vidéo de CHROMA consacrée à Signes de M. Night Shyamalan

Musiques utilisées :

  • Flashygoodness - Title Theme (Bean Dreams) | Lien Bandcamp : https://urlz.fr/i6m7
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CHANTS OF SENNAAR · Remonter le verbe

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Dans une grotte aux reflets dorés, un individu encapuchonné s'extirpe d'un sarcophage mystérieux. Dépourvu de parole, il se fraye un chemin dans ce qui s'apparente à des égouts, jusqu'à rencontrer un badaud en toge. Mais ce dernier s'adresse à lui dans une langue a priori indéchiffrable... Pouvant compter sur son carnet où il consigne ses observations et déductions, l'individu parvient néanmoins à le comprendre et gagne la surface. Stupéfaction : cette grotte n'était en fait que le sous-sol d'une gigantesque Tour trônant sur le désert ! Quelle est la raison de sa présence ici ? Pourquoi les habitants de cette Tour parlent-ils tous des langues différentes ? La réponse se trouverait-elle au sommet de l'édifice ?

"Ma chère, quand on s'intéresse à une culture, on en apprend la langue."

Deuxième titre du studio toulousain Rundisc créé par le directeur artistique Julien Moya et le développeur Thomas Panuel , Chants of Sennaar figure parmi les pépites indés françaises de 2023. Au moment d'élaborer cette déclinaison ludique du mythe de la Tour de Babel, le duo a puisé aussi bien dans l'histoire de l'architecture que dans leur passion pour les jeux d'infiltration et de puzzles, mâtinant le tout d'une imagerie épurée, quasi-fauviste, toute droit héritée de Métal Hurlant. Autant d'ingrédients qui ponctuent l'éveil au langage du protagoniste à mesure qu'il perce les secrets des différentes civilisations qui peuplent la Tour... Nos constructions humaines peuvent-elles transcender la multiplicité des langues et des cultures ?


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Sources et bibliographie

Nos recommandations :

  • Olbius : La discographie de PNL (oui)
  • Karel : Sinners (Ryan Coogler, 2025)

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NO PAIN NO GAIN · Le muscle a ses raisons

Bienvenue dans Hémisphères, le carrefour des explorateur·ice·s de l'Imaginaire !

Miami, 1995. Daniel Lugo (Mark Wahlberg) croit au fitness. C'est toute sa vie. Mais sa vie d'instructeur au Sun Gym Club le frustre. Pourquoi lui, détenteur d'une force physique hors du commun, devrait-il n'entrevoir le rêve américain qu'au travers des anecdotes de ses clients ? Inconcevable, inacceptable, intolérable. C'est pourquoi, assisté par son comparse Adrian Doorball (Anthony Mackie) et de l'ex-taulard Paul Doyle (Dwayne Johnson), le galérien bodybuilder s'engage dans une vaste opération d'escroquerie et d'extorsion pour dépouiller son client Victor Kershaw (Tony Shalhoub), homme d'affaires plein aux as, de tous ses biens.

"If I believe I deserve it, the Universe will serve it, right?"

No Pain No Gain (titre original : Pain & Gain) est une anomalie cinématographique. Accompagné des scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely (Captain America, Avengers: Endgame), le réalisateur américain Michael Bay (Bad Boys, Transformers, Ambulance) y concrétise un projet de longue date : à la marge du blockbuster inflationniste dont il a redéfini les codes, le destructeur-en-chef adopte une échelle et un budget réduits (28 millions de dollars) pour porter à l'écran un fait divers aussi sordide qu'insolite. Mais qu'y a-t-il vu exactement ?

L'affaire du "gang des bodybuildeurs" cristalliserait-elle les obsessions du réalisateur ? On aurait tort d'imaginer que Bay ait voulu faire un film intimiste ou confiné : bien au contraire, sa forme débridée épouse la culture no-limit d'une Amérique privée d'ennemi, donc d'exutoire à l'expression de sa force. 1995, c'est aussi l'année du tout premier long-métrage de Bay : Bad Boys, produit d'un contexte socio-économique, géographique et historique, ici revisité avec un recul ironique et caricatural qui n'a pas peur de tricher avec le réel pour en saisir la vérité. Cet illimitisme formel appliqué à une échelle tristement humaine nous invite, le temps d'un épisode, à explorer cette Amérique que No Pain No Gain semble mettre à nu : où s'arrête la force ?


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Sources et bibliographie

Nos recommandations :

  • Olbius : Miséricorde (Alain Guiraudie, 2024)
  • Karel : The Substance (Coralie Fargeat, 2024) // Ninja Gaiden Black (Team Ninja / Tecmo, 2005)

Musiques utilisées :

  • Flashygoodness - Title Theme (Bean Dreams) | Lien Bandcamp : https://urlz.fr/i6m7
  • Taylor Ambrosio Wood - Adventure for Percussion Quartet (TESSERACT: An Acoustic FEZ Album) | Label Materia Collective https://urlz.fr/i6ma